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Par thefoxazel le 27 Février 2005 à 12:27
En 1775, le chevalier de Saint-George,"homme de couleur", n'était pas suffisamment "emblématique" pour
qu'on lui confie la direction de l'Opéra. Une pétition raciste s'indignait sous le prétexte qu'il était
"mulâtre". Deux actrices et une danseuse à la peau claire invoquaient leur "honneur".Presque deux cent trente plus tard, on pourrait croire que les choses ont changé. Pas du tout !
"Ce personnage [...] n'est pas une figure sufisamment emblématique pour que nous puissions lui consacrer
une de nos fictions de prestige, ose écrire en toute impunité, le 27 novembre 2004, dans une lettre très
officielle, Perrine Fontaine, directrice de la Fiction de France 2, chaîne du service public financée par
la redevance payée aussi par des millions de Français peu "emblématiques".C'est étrange, car naguère le maire de Paris trouvait Saint-George assez "emblématique" pour lui donner le
nom d'une rue, la ministre de l'Outre-mer le trouve assez emblématique pour utiliser sa musique sur son
standard téléphonique et la même chaîne, France 2, le trouve assez emblématique pour demander l'achat des
droits de diffusion du spectacle mis en scène par Bartabas (dont je suis l'auteur) qui a rassemblé à
Versailles, en six soirées, 50 000 Français, curieux de découvrir la vie de ce héros si peu "emblématique".Alors, qui est "emblématique" pour France 2 ? Sans doute Napoléon Bonaparte, pour autant qu'on se
souvienne de la mémorable "fresque" de 2002, adaptée du livre de Max Gallo, filmée par Yves Simonneau et
interprétée par Christian Clavier. On y avait caché aux téléspectateurs le rétablissement de l'esclavage,
simple "point de détail" peu "emblématique", il est vrai.Qu'on ne s'étonne donc plus de voir et d'entendre ledit Max Gallo, sur France 3, déclarer, le 3 décembre
2004, que le rétablissement de l'esclavage par Napoléon n'est pas un crime contre l'Humanité. La diffusion
de ce genre de propos n'est pas un dérapage, c'est l'effet d'une politique délibérément appliquée par
certains hauts responsables du service public qui vouent le plus profond mépris à ces Français originaire
d'Outre-mer à qui l'on refuse emplois et logements parce qu'ils ne sont pas assez "emblématiques".Doit-on laisser ces néo-colons de l'audiovisuel public insulter Saint-George sans réagir ? En 1775, face
à l'incident raciste qui a écarté Saint-George de l'Opéra, la communauté des musiciens a organisé un
concert de solidarité. Et nous, en cette fin d'année 2004, qu'allons-nous faire en réaction à ce black-out
du chevalier Saint-George sur France 2, cyniquement avoué sur du papier à en-tête ? Laisser faire, baisser
la tête, comme d'habitude, ou faire entendre enfin le son du lambi ?Claude Ribbe
Liens sur Claude Ribbe :
http://www.grioo.com/info1309.html
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Par thefoxazel le 27 Février 2005 à 11:33
Tout
le monde ou presque connaît "Les trois mousquetaires",
le célèbre roman de Dumas-fils.
Mais qui sait que d'Artagnan, c'est lui... Dumas-père
...Alexandre
Dumas, en moins d'un an, fut le premier homme de couleur à devenir
général de division de l'armée française. Accompagné des trois
amis qu'il avait rencontrés aux Dragons de la reine...
...Mais
le général Dumas a d'autres titres de gloire : il protesta contre
la Terreur, il protégea les prisonniers de guerre, il refusa de
participer aux massacres, aux pillages, aux viols et aux tortures
perpétrés contre les civils de Vendée, il finit par quitter l'armée
d'Egypte, pensant que la République française n'avait pas besoin
de ce genre de conquête.
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs,
Que dirait
notre Alexandre Dumas de ces fastes républicains brusquement déployés
autour de sa dépouille ? Nul ne le sait. Mais ce qui est sûr, c'est que
s'il tenait la plume aujourd'hui, on ne se contenterait pas de dire qu'il
est un écrivain. On jugerait utile, pour mieux le qualifier, d'ajouter
qu'il est un écrivain «de couleur ». Ce serait un romancier « noir »,
un auteur « antillais ». On parlerait de sa « créolité », de son «africanité
», de sa « négritude », de son « sang noir ». Bref, il aurait quelque
chose de différent, de particulier, que sa couleur de peau désignerait
et dont il n'aurait jamais la liberté de se défaire. En cette France du
XXIe siècle, y aurait-il donc encore des gens pour croire à la « race
», à la « pureté du sang » ?
Faut-il attendre de tomber en poussière pour ne plus subir le regard des
autres ? Faut-il attendre les honneurs posthumes pour ne plus être insulté
?
Insulté,
Dumas le fut, de la naissance à la mort.
Il essuya, avec la dignité propre aux êtres d'exception, les plus sottes
offenses. Et la plus douloureuse de ces offenses fut sans doute l'injustice
faite à son père, le général républicain Alexandre Dumas, premier du nom.
Dès lors, l'hommage éclatant de ce soir doit-il être aussi l'occasion
de saluer solennellement la mémoire de ce très grand Français.
Car les Alexandre Dumas sont trois et le premier d'entre eux, père de
l'écrivain, n'était en naissant qu'un esclave dans la partie française
de l'île de Saint-Domingue, aujourd'hui république d'Haïti.
Il ne s'appelait
pas encore Alexandre Dumas. Il n'avait qu'un prénom -Thomas-Alexandre-
et pas de nom de famille car les esclaves n'avaient pas le droit d'en
porter. Un esclave : deux cent quarante ans après, avons-nous bien idée
de ce que cela veut dire ? Des civilisations bafouées, un continent décimé,
la déportation, la cale de ces bateaux bien français qu'on armait dans
les ports et pas seulement de Nantes ni de Bordeaux. Le fouet, le viol,
l'humiliation, la torture, les mutilations, la mort. Et après la mort,
l'oubli.
Le roi Louis XIV, en instaurant en 1685 le Code noir, avait juridiquement
assimilé les esclaves africains déportés dans les colonies françaises
à des biens meubles. Et ce Code noir, ne l'oublions pas, excluait aussi
les Juifs et les Protestants de ces mêmes colonies françaises. Dans l'article
13, le roi voulait que «si le père est libre et la mère esclave, les enfants
soient esclaves pareillement». Le père de Thomas-Alexandre était Européen
-donc libre- mais la mère était esclave africaine et le Code Noir s'appliquait
à cet enfant comme à des centaines de milliers d'autres jeunes captifs.
En 1775, son père, pour payer un billet de retour dans le bateau qui le
ramènerait en Normandie, le mit d'ailleurs en gage, comme on dépose un
objet au mont-de-piété.
Un an plus
tard, le jeune esclave passait en France à son tour mais lorsque son pied
toucha le quai du Havre, il n'en fut pas affranchi pour autant. Un principe
admirable affirmait pourtant que la terre de France ne porte point d'esclave.
Mais il y avait été dérogé par plusieurs textes, qui, tout au long du
XVIIIe siècle, avaient rendu de plus en plus difficile la venue et le
séjour en France des esclaves antillais et, plus généralement, des hommes
et des femmes de couleur. Ainsi, dissimulé sous une fausse identité, le
père d'Alexandre Dumas, n'était qu'un «sans-papiers».
Bravant ces difficultés, en s'engageant pour huit ans, en qualité de simple
cavalier, dans le régiment des Dragons de la reine, il prit un nom de
guerre : Alexandre Dumas. On a souvent dit que c'était celui de sa mère.
Mais, étant esclave, elle n'avait pas de patronyme et les actes qui la
désignent ne parlent d'ailleurs que de son prénom : Césette. Il pourrait
bien s'agir alors de son nom africain et ce serait bien honorable pour
ce jeune homme d'avoir ainsi rendu hommage à sa mère restée là-bas en
servitude.
Aux Dragons de la reine, Alexandre Dumas rencontra trois camarades. L'un
d'entre eux venait de Gascogne. Les quatre cavaliers restèrent liés par
une amitié fidèle et combattirent ensemble pendant les guerres de la Révolution.
En 1789,
la Déclaration des Droits de l'Homme, contrairement à ce que l'on croit
souvent, n'était pas encore universelle. Elle ne concernait que les Européens.
Il fallut
attendre trois ans pour que des droits soient reconnus aux hommes de couleur
libres. Cinq ans pour que l'esclavage soit aboli, en principe, et encore
sous la pression d'une révolte qu'on ne pouvait contenir.
Alexandre Dumas, après s'être battu avec rage, dès le printemps de 1792,
contre l'envahisseur, participa avec son ami Joseph de Bologne (dit chevalier
de Saint-George) également né esclave, à la création d'un corps composé
d'Antillais et d'Africains : la Légion des Américains. Eux aussi furent
des soldats de l'An II.
Alexandre
Dumas, en moins d'un an, fut le premier homme de couleur à devenir général
de division de l'armée française. Accompagné des trois amis qu'il avait
rencontrés aux Dragons de la reine, il prit bientôt le commandement de
l'armée des Alpes et, bravant la peur, la neige et le froid, emporta les
postes inexpugnables du Petit-Saint-Bernard et du Mont-Cenis. Lorsqu'éclata
l'insurrection royaliste de 1795, c'est Dumas qu'on appela pour sauver
la République. Mais l'essieu de la voiture du général cassa deux fois.
On attendait Dumas : ce fut Bonaparte.
Celui-là n'était rien encore. Il passait juste par là et il mitrailla
les factieux.
Dumas le rejoignit et combattit à ses côtés. Ils sauvèrent la République.
Mais pour combien de temps ? Ils chevauchèrent jusqu'en Italie. Ils galopèrent
jusqu'en Autriche. Sur le pont de Brixen, seul sur sa monture, Dumas pouvait
arrêter une armée entière. Jusqu'à Alexandrie, jusqu'aux Pyramides, il
se battit encore pour la France.
Mais le général
Dumas a d'autres titres de gloire : il protesta contre la Terreur, il
protégea les prisonniers de guerre, il refusa de participer aux massacres,
aux pillages, aux viols et aux tortures perpétrés contre les civils de
Vendée, il finit par quitter l'armée d'Egypte, pensant que la République
française n'avait pas besoin de ce genre de conquête.
Sur le chemin
du retour, le général Dumas fut capturé et passa deux ans dans les geôles
du roi de Naples où il subit des sévices qui lui laissèrent dans le corps
et dans l'âme des séquelles ineffaçables.
A son retour en France, c'est un fils que lui donna son épouse. Il l'avait
connue à Villers-Cotterêts, en 1789. Leur histoire d'amour commença dans
la cour du château où, deux cent cinquante ans plus tôt, un grand roi,
d'un coup de plume, avait donné son essor à cette belle langue que l'écrivain
Alexandre Dumas honorerait mieux que quiconque.
Lorsque l'enfant de 1802 parut, le général était là. D'habitude, Marie-Louise
Dumas accouchait seule. La République ne leur avait pas laissé beaucoup
de temps pour vivre ensemble. Leur fils était libre, malgré sa couleur
de peau.
Cette année
1802, qui le vit naître, ne fait pas honneur à la France. Le 20 mai, Napoléon
Bonaparte rétablissait l'esclavage. Dans nos livres d'histoire, à l'écran,
à la scène, on n'en parle pas volontiers. Il est un peu facile de dire
qu'une femme-Joséphine-devrait seule porter la responsabilité de cette
décision ignoble qui, aujourd'hui, aux termes d'une loi votée naguère
en ces murs, constitue un crime contre l'Humanité. Le 28 mai 1802, à la
Guadeloupe, le commandant Louis Delgrès et ses compagnons, pensant avec
raison qu'on ne les laisserait pas vivre libres préférèrent mourir.
Le
lendemain, 29 mai 1802, Napoléon Bonaparte excluait de l'armée française
les officiers de couleur, comme en d'autres temps on s'en prendrait aux
officiers juifs. Cette mesure d'épuration raciale fut appliquée jusqu'aux
élèves de l'Ecole polytechnique. Elle frappa douze généraux dont Toussaint
Louverture et Alexandre Dumas.
Le 2 juillet 1802, les frontières de la France se fermèrent aux hommes
et aux femmes de couleur, même libres. L'année suivante, le 8 janvier
1803, quelques semaines avant que le général Toussaint Louverture n'expire,
privé de soins, dans la citadelle la plus glaciale de France, les mariages
furent proscrits entre fiancés dont la couleur de peau était différente.
C'est sur
ce terreau écoeurant que purent s'épanouir les théories françaises des
Vacher de Lapouge et autres Gobineau qui furent, au siècle suivant, les
inspirateurs de la barbarie nazie.
Bonaparte
s'acharna, allant jusqu'à refuser de payer au général Dumas un arriéré
de solde qu'il lui devait pourtant. Le héros, trop sensible, mourut de
chagrin en 1806. Sa veuve, sans ressources, qualifiée de « femme de couleur
» pour avoir épousé un ancien esclave, n'eut droit à aucune pension. Le
jeune orphelin n'alla pas au lycée. Le général Dumas ne fut jamais décoré,
même à titre posthume.
Les généraux de couleur n'avaient pas droit à la Légion d'honneur.
Aujourd'hui,
d'aucuns ont du mal à accepter que l'histoire d'un brave à la peau plus
sombre que la leur ait pu inspirer l'écrivain français le plus lu dans
le monde.
Leurs préjugés les empêchent tout-à-fait d'imaginer un d'Artagnan noir.
Alors faut-il s'étonner si la statue du général Dumas, abattue par les
nazis en 1943, n'est toujours pas remise à sa place ? Faut-il s'étonner
si notre langue magnifique est souillée encore par ces mots qu'inventèrent
les négriers ? Le mot de mulâtre par exemple, qui désigne à l'origine
le mulet, une bête de somme hybride et stérile. Sans doute pour dire que
les enfants de ceux dont les épidermes ne sont pas assortis feraient offense
à la nature.
Mais à présent,
n'est- ce pas le moment d'un coup de théâtre ? L'heure n'est-elle pas
venue de jeter bas les masques ? L'heure de dire la vérité à qui voudra
bien l'entendre. Quelle vérité ?
Eh bien, tout simplement, que les Dumas étaient originaires d'Afrique
et que la France en est fière.
Mais si nous disons cela, chaque fois qu'un étranger frappera à notre
porte, ne faudra-t-il pas se demander quand même, avant de la lui claquer
au nez, si ce n'est pas le héros que la République appellera peut-être
bientôt à son secours, s'il ne sera pas un jour le père d'un génie de
l'Humanité ?
L'Humanité
: une, indivisible et fraternelle comme cette République que le général
Alexandre Dumas aimait tant.
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Par thefoxazel le 27 Février 2005 à 10:56
Les femmes noires sont à l'honneur au Sénat la matinée du 17 Mars 2005 et c'est une première.
Le
choix du 17 Mars permet de célébrer la journée internationale de la
femme (8 mars) et la Journée internationale pour l'élimination de la
discrimination raciale (21 mars) car les femmes noires sont touchées
par ces deux combats.
Le réseau francophone des femmes d'affaires noires (RFFAN) qui est
aussi la nouvelle représentation en France et dans les départements
d'outre-mer de la fédération des femmes d'affaires noires (efbwbo) à
décidé de mettre en avant des femmes antillaises ou africaines et de
faire un état des lieux de leur situation en France sur le plan
économique, social et politique.
L'Intérêt de ce colloque est de montrer des femmes noires sur un
créneau où on ne les attend pas à priori dans cette société française.
Des femmes chefs d'entreprises, diplomates, directeurs techniques,
ingénieurs, professeurs, femmes politiques exposeront leurs combats et
initiatives pour changer les mentalités et combattre les stéréotypes de
la femme noire en France et dans les DOM.
Ce colloque sera suivi d'un débat où les femmes et les hommes du public
pourront réagir et nous faire partager leurs initiatives.
Les places sont limitées et nous vous invitons à nous contacter pour des réservations ou pour obtenir plus d'information à
reseauffan@hotmail.com
La présidente du réseau francophone des femmes d'affaires noires (RFFAN)
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Par thefoxazel le 23 Janvier 2005 à 20:53
A cette aune le passif du nazisme a fait et continu de faire l’objet d’une activité collective intense de lutte contre l’oubli, de réhabilitation des victimes, de réparations. Mais toutes les victimes, noires y compris, sont-elles traitées avec les mêmes égards, ne perçoit-on pas dans les entrelacs d’une reconnaissance sélective la négation se nicher au cœur même des nobles velléités rédemptrices de l’humain ?
L’Allemagne hitlérienne a fait la démonstration à grande échelle du délire collectif auquel mène la croyance dans la supériorité raciale, son institutionnalisation dans un appareil d’Etat mû par elle et déterminé à appliquer une utopie eugéniste à la gestion de la cité. Particularité de cette barbarie, elle a ravagé tout en les distinguant les races, blanche et noire classifiées en dessous de l’étalon aryen dont l’Allemand était le plus parfait représentant. A la différence notable de la Traite négrière, déportationniste, concentrationnaire, plus longue et plus meurtrière, aux effets de long terme destructeurs et déstructurants affectant la constitution psychique des individus et les structures mentales et matérielles des sociétés Africaines, Américaines et Caribéennes, mais qui par sacro-sainte biblique définition ne violenta et ne violentera que les Noirs. Les déportations et exterminations nazies ont ainsi frappé les Tsiganes, les Juifs, et…les Noirs, Africains et Antillais. Pourtant dans l’évocation contemporaine du nazisme sur les territoires reconnus du labour de la mémoire universelle, dans les manuels scolaires, la grande masse des travaux de recherches, les Noirs sont étrangement absents, nulle part mentionnés, cités comme tels, afin que les humains comprennent l’essence même de la folie de la classification en inférieur-supérieur des races, de toutes les races.
Or tout se passe comme si, la hiérarchisation des races qui pourtant a fait tant de victimes, tant de dommages et qui continue de hanter les relations internationales, les luttes pour la terre, la peur de la domination et l’anticipation de la violence par la même violence amplifiée, cette hiérarchisation raciale est appliquée scrupuleusement dans la reconnaissance-méconnaissance des crimes du nazisme, des crimes contre l’humanité. Les peuples noirs de peau depuis longtemps niés à l’humanité eurocentrique le sont aussi dans l’épreuve historique qui en a fait des victimes incomparables des barbaries négrières, coloniales, et singulièrement hitlérienne.
Il n’y a pas meilleur façon de donner raison au Führer du IIIème Reich…que de nier, adoucir, passer sous silence, omettre les violences, tortures, déportations, exterminations nazies contre les non aryens, parmi lesquels les Noirs, parents pauvres de la mémoire collective dite universelle.
Les témoignages ne manquent pourtant pas, de première main, les rescapés du nazisme, Africains, Antillais ont depuis longtemps instruit les historiens sur le sort fait aux Noirs par l’Allemagne hitlérienne.
En effet les milliers de populations noires de peau qui se sont retrouvées cernées par le nazisme dans les années 30 du 20ème siècle occidental provenaient de deux foyers principaux : les populations immigrées en provenance des possessions coloniales allemandes et qui vivaient légalement en Allemagne, et la progéniture allemande des soldats de l’armée coloniale française -soldats abusivement appelés tirailleurs sénégalais- qui avaient occupé la Rhénanie conformément aux dispositions du Traité de Versailles. A côte de cette population noire native ou immigrée qui se trouvait en Allemagne quand le pouvoir nazi s’y instaura, d’autres Noirs furent déportés dans les camps de concentration, capturés parmi les troupes combattantes alliées ou raflés, arrêtés autoritairement dans les territoires conquis par l’Allemagne à l’exemple de la France, et envoyés dans les camps de la mort.
Des Congolais, Equato-guinéens, Camerounais, Ivoiriens, Haïtiens se retrouvèrent dans l’horreur concentrationnaire de Neuengamme, de Ravensbrück, de Dora, de Dachau avec des histoires personnelles diverses et quelques fois extraordinaires, la barbarie et la souffrance humaines étant leur lourd lot commun.
Erika NGando, était une jeune Camerounaise de 35 ans lorsqu’elle fut déportée à Ravensbruck. Elle souffrait énormément du froid, des humiliations, de l’extrême pénibilité des travaux, des conditions d’entassement dans lesquelles les nazis avaient jeté les détenues. Sous-alimentées, surexploitées, sans chauffage, c’était le rêche quotidien des détenues, tel qu’en témoigne Renée Haute cœur qui partagea quelques mois de la captivité de Ngando et qui fut marquée par une femme traumatisée, fragilisée, écrasée.
Husen, lui était ressortissant de la possession allemande du Tanganyika, soldat émérite qui s’était installé à Berlin où il avait fondé une famille, eu l’honneur d’une décoration et y exerçait la profession de lecteur en Swahili. Lorsque les lois de Nuremberg interdisant les mariages mixtes au nom de la préservation de la pureté aryenne furent promulguées, il crut bon de déclarer la naissance de son fils issu d’une relation avec une allemande. La sanction tomba imparable. Il fut arrêté, jugé, puis déporté au camp d’Oranienburg-Sachsenhausen, ouvert dès 1933 d’où jamais il ne revint.
Il faut savoir que les enfants afro-allemands, en grande partie fruits des relations entre soldats africains des troupes coloniales occupant la Rhénanie et femmes allemandes autochtones, subirent un programme de stérilisation de masse pour éviter que leur sang ne se mêla à celui des pures aryennes… La propagande du moment chauffée au puritanisme racial parlait des Bâtards de Rhénanie comme d’une véritable ignominie, une déchéance collective…
Les cas de Carlos Grevkey, originaire de Fernando Po est assez original. Son parcours jusqu’à sa déportation à Mauthausen est difficile retracer, on sait qu’il vécu à Barcelone, et qu’au moment de la guerre d’Espagne, sa famille quitta la Catalogne pour se réfugier en France, comme nombre de républicains espagnols. Aux dires des survivants espagnols, l’officier SS commandant le camp l’employait comme groom. Cet état de grâce [?] prit pourtant fin et Carlos connut les traitements inhumains équivalents à ceux des autres déportés espagnols dont la solidarité lui permit de survivre tant bien que mal.
Plutôt rocambolesque est l’histoire de Jean Nicolas déporté Haïtien qui rendit l’âme à peine passées les portes de la libération, alors qu’il avait survécut à l’horreur des camps mais trop affaiblit, malade, mourant. Résidant en Martinique et employé à l’hôpital de Fort-de-France, il fut déporté dans les camps de la mort, à Buchenwald, puis à Dora-Mittelbau. Il dût sa survie à son imagination débordante et à ses innombrables subterfuges, se présentant d’abord comme John Nicols, aviateur américain, puis usant plus tard de ces aptitudes dans l’apprentissage des langues, il se familiarisa à l’allemand, au russe et au polonais, et fut affecté à l’infirmerie pour y servir à la fois d’interprète et d’assistant, fort de quelques connaissances médicales en sus ! Il parvint ainsi à sauver la vie de plusieurs déportés. Mais la méfiance des Allemands l’emporta et, suspecté d’espionnage, il termina dans les camps, y côtoyant le commun des déportés et détenus, sa santé déclina alors et il s’éteint à Paris après la libération, le 04 septembre 1945 terrassé par une tuberculose.
Sans prétendre à l’exhaustivité, les témoignages relatifs au déporté congolais John Vosté, au Sénégalais Dominique Mendy ou à l’Allemand Théodore Michaël, noir de peau mais habitant de Berlin depuis la lointaine installation de sa famille originaire du Tanganyika sont tous aussi instructifs les uns que les autres, un cas emblématique est celui du chanteur ivoiro-français John William.
Fils d’une Ivoirienne de Grand-Bassam et d’un Français, il passa son adolescence en France et en Avril 1944, accusé de sabotage dans l’usine de Montluçon où il était ouvrier, il fut déporté au camp de Neuengamme, près de Hambourg. Agé de 22 ans, employé comme mécanicien de précision, la couleur de sa peau devint vite une attraction pour ses geôliers -les Allemands ne se lassaient pas de la toucher pour s’assurer qu’elle ne déteignait pas-, mais c’est surtout l’aisance et la technicité d’un Noir par définition de race inférieur qui plongeait les surveillants dans la perplexité. C’est à sa grande foi religieuse et à la solidarité de ses co-détenus qu’il dut sa survie et sa résistance à l’innommable négation humaine.
Ces histoires personnelles sont partie intégrante du crime contre l’humanité perpétré par le régime hitlérien. La mémoire collective occidentale mais aussi africaine et mondiale a complètement occulté ce pan de la barbarie négrophobe, malgré une existence attestée en faits, témoignages, écrits. Tout se passe comme s’il devait exister une discrimination négative au sein de la communauté des victimes du nazisme et des barbaries humaines. A moins qu’ils en soient des victimes comme de leurs descendants, présences non visibles, histoire révisée, humanité méconnue, crimes niés !
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