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Alain Finkielkraut : les antillais vivent de lassistance de la France
L'enjeu
essentiel dans l'affaire Dieudonné est de ne pas être manichéen : tout
n'est pas tout blanc ou tout noir. N'est pas antisémite celui qui ne
défend pas la cause juive.Le philosophe a violemment réagi au fait que la
population martiniquaise avait soutenu Dieudonné après l'agression par
trois hommes juifs dont il avait été victime.Est-ce pour autant un crime de soutenir un artiste
frappé pour ses idées ? Je ne pense pas. Je reste persuadé que sans ce
passage à tabac, il n'y aurait jamais eu un tel tolé médiatique et une
telle mobilisation autour du comique. A qui la faute ? Aux trois
personnes inculpées pour coups et blessures.Mais le cœur du débat et ce qui nous interpelle est qu'Alain Finkielkraut ait déclaré que "le peuple antillais, victime de l'esclavage, vivait de l'assistance de la Métropole".
Eh bien oui, les Antilles vivent à coup de subventions
européennes et nationales. C'est tout à fait vrai et il n'y a aucune
révélation lumineuse dans les déclarations du philosophe, qui s'est
déjà montré bien plus inspiré que cela dans le passé. Là, il a fait une
"Dieudonné" en mélangeant tout et n'importe quoi.Mais cette relation d'assistanat qu'entretient la mère
Métropole avec ses enfants adoptifs des Antilles suppose une volonté
ferme des pouvoirs publics de maintenir le peuple antillais sous
perfusion.Je m'explique : n'est-ce pas intéressant pour la
production nationale d'avoir à disposition une population qui importe
plus qu'elle n'exporte ?Les Antilles, premiers départements importateurs de
champagne : à qui cela profite-t-il ? A qui profite l'immensité de
notre parc automobile ?Assistés oui, mais nous n'avons certainement pas
enfoncé la perfusion nous-même dans nos chairs. Avec les Antilles, les
pouvoirs publics se donnent bonne conscience en adoptant une attitude
qu'ils ne peuvent pas appliquer aux territoires africains qui ont, eux,
été réellement spoliés de leurs richesses naturelles et humaines. La
France est, et demeurera, un pays d'histoire colonialiste. Sinon
croyez-vous que nous ne serions pas déjà abandonnés à notre sort comme
le peuple haïtien, si nous ne présentions pas un intérêt politique et
économique.Les Antilles françaises sont une fenêtre ouverte sur le continent américain dont la France ne souhaite aucunement se priver.
Cette politique d'assistanat dans laquelle s'enfoncent
inexorablement les Antilles bloque tout développement économique, et
freine par-là même toute velléité politique d'indépendance ou même
d'autonomie.Peut-être que la consultation du 7 décembre 2003 devait
aider à vaincre ce blocage de développement mais la manière dont le
projet de réforme fut présenté à la population guadeloupéenne et
martiniquaise ne laissait présager qu'une réforme imposée par le
Gouvernement sans avis des autorités locales. Une réponse négative
empêche de donner suite à la réforme mais une réponse positive déliait
les mains du Gouvernement et du Parlement afin de décider seuls de la
suite du processus d'évolution.Pour en revenir aux inepties du philosophe qui, en
somme, reprochent aux Antillais d'être allés voir le spectacle de
Dieudonné avec des deniers de la République, je souhaiterai lui
demander si nous ne payons pas les mêmes impôts que le reste de la
population française ?Vous vous êtes trompés de cible, M. Finkielkraut, nous,
Antillais nous savons assistés, et l'éveil culturel que nous sommes en
train de vivre marque irrémédiablement la fin d'une époque, et par
conséquent le début d'une ère nouvelle que nous souhaitons prospère
politiquement et économiquement.
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